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Les Intégrations: Faraoui et de Mazières. 1966–1982

Du Temps de l’Art au Temps de la Vie

Exposition collective, Présence plastique, M. Ataalah, F. Belkahia,
M. Chabâa, M. Hamidi, M. Hafid, M. Melehi, place Jema Al-fna, Marrakech, 1969, © Famille Chabâa.

Pendant 15 ans, les architectes Abdeslam Faraoui et Patrice de Mazières ont collaboré avec des artistes pour créer une typologie d’œuvres et d’objets spécialement conçus pour des infrastructures publiques, favorisant ainsi la participation de l’art au renouveau du tissu urbain et de la société. Les interventions artistiques mises en œuvre par le cabinet d’architectes Faraoui et de Mazières portent aux nues l’esprit d’une contre-culture au Maroc où la transdisciplinarité entre les arts de la littérature et de la poésie, les arts visuels et les arts appliqués au design et à l’architecture ne cristallise pas tant une revendication esthétique que la possibilité d’une modernité émancipatrice face à une tradition académique héritée du colonialisme, et participe de ce fait à la subordination du temps de l’art au temps de la vie.

Cet esprit s’incarne dans un élan d’émancipation global matérialisé par la participation des artistes et des intellectuels aux réseaux panafricains1 mais également par leurs trajectoires culturelles au Maroc, et depuis le Maroc. Incarnant cette dynamique, le symposium de sculptures organisé par Mathias Goeritz à l'occasion des Jeux Olympiques de Mexico rassemble des artistes internationaux des cinq continents, dont Mohamed Melehi qui représente la délégation africaine, à produire des sculptures monumentales le long de la route reliant la ville au village Olympique, renommé officiellement « route de l'amitié ». Toni Maraini et Mohamed Melehi sont rejoints par Pauline et Patrice de Mazières à cette occasion. Mohamed Melehi expérimente ainsi le rapprochement préconisé par l'école des Beaux-Arts de Casablanca avec les arts appliqués et l'architecture en réalisant une sculpture monumentale dans l'espace public. C’est également à cette occasion qu'il rencontre pour la première fois Herbert Brayer, artiste issu du mouvement du Bauhaus, qui s'installe à Tanger à la fin des années 1970. Ces trajectoires matérialisent ainsi autant un déplacement physique, celui des artistes et des intellectuels, que théorique, celui de la circulation des pensées, mouvement dans lequel le Bauhaus devient au Maroc la pierre de touche.

1. Pensées communes / communautés de pensée ?

mais implique au contraire une relation d’interdépendance entre les médiums (les arts visuels et l’architecture) et les techniques (celles des arts graphiques et de l’architecture), permettant ainsi l’émergence de disciplines qui ne sont pas figées mais évoluent en relation les unes avec les autres. Cette relation d’intermédialité entre les formes d’art et d’architecture pose ainsi la question de ce qu’il y a « entre » ces disciplines : comment communiquent-elles ensemble ? Quels sont les éléments de langage commun à cet « esprit de l’époque », à cette ambiance particulière de la fin des années 1960?

L’expérimentation de pratiques entre arts majeurs et arts mineurs implique l’invention de nouveaux modes de transmission entre les disciplines mais également entre les œuvres et le public, résolument tournés vers l’espace public en tant que lieu favorisant le débat et l’expression d’opinions contradictoires mais également l’implication d’artistes et d’intellectuels dans la vie de la société, interrogeant ainsi le rôle social de l’artiste. Ces modes de transmission vers l’espace public reposent sur la création de revues culturelles (Souffles, Integral, Maghreb Art), mais également d’interventions dans l’espace public et la participation d’artistes à des projets urbains que ce soit dans le domaine de la décoration intérieure ou encore de la création d’affiches, de publicités ou de mobiliers. Ce réseau de relations mobiles rend visible un désir de liberté se battant contre les processus de fixation de l’histoire dont sont dépositaires les musées d’anthropologie et d’archéologie en ce qu’ils produisent des assignations identitaires forcément restrictives à destination d’une culture matérielle que la scène culturelle revendique en tant qu’hybride2. Agissant contre une essentialisation de l’art populaire par les institutions, artistes, poètes, écrivains, intellectuels, cinéastes, architectes s’unissent et proposent un ensemble d’objets qu’il convient d’étudier non pas dans l’optique de constituer une histoire des formes mais une histoire des formes en relation les unes avec les autres.

En 1962, Farid Belkahia rentre au Maroc après avoir étudié à l’école des Beaux-Arts de Paris (1956–1959) et à l’Académie de théâtre de Pragues (1959–1962). Sa trajectoire n’est pas unique mais rejoint celles de plusieurs artistes qu’il recrutera par la suite à l’école des Beaux-Arts de Casablanca, notamment Mohamed Melehi et Mohamed Chabâa. Ces trajectoires culturelles cosmopolites forment une cartographie en mouvement des modernités contribuant à inscrire les pratiques artistiques au Maroc dans les années 60 dans un mouvement global où l’art est également l’agent de revendications sociales et politiques. Les évènements culturels organisés à partir des années 1950 par le Ministère en charge des Affaires Culturelles tout comme les quelques galeries d’art favorisent l’expression d’une tendance académique néo-orientaliste servant de mètre étalon à une production du Maroc dont on met en avant les qualités d’enchantement et de naïveté3 en en niant ainsi leur capacité libératrice et autonome.[footnote Khalil M’Rabet: « Au sujet de la réception des pratiques marocaines orientalistes et leur participation au débat post-colonial,” in: Peintures et identités. l’expérience marocaine », Editions L’Harmattan, Paris 1987.] L’espace public, celui de la rue en premier lieu, accueille ainsi l’élan vital d’une génération d’artistes qui inaugure de nouvelles stratégies d’exposition et de réception des œuvres. Cet élan vital libère également la possibilité de filiations esthétiques en dehors des institutions, agissant comme une sorte de « musée éphémère », selon Abdelkebir Khattibi:

« Les ancêtres n'ont pas disparu, leurs traces sont vivantes, et leur mémoire est descendue dans les rues. Il suffirait pour s'en convaincre de plonger dans la scénographie répétée de siècles en siècles de la culture populaire et de sa production de signes. L'artiste arabe en est fortement imprégné. C'est sa chance, son risque devant les contraintes du passé, de sa tradition vivante et survivante. »4

Patrice de Mazières est déjà un architecte, tout comme son père et son grand-père avant lui, lorsqu’il rencontre Mohamed Melehi et Toni Maraini en 1967 à un de ces vernissages où la scène culturelle casablancaise, cosmopolite et bouillonnante, se retrouve. Il est accompagné par sa femme, Pauline de Mazières, qui ouvre la première galerie d’art moderne et indépendante, l’Atelier, à Rabat, en 1971, et forme ainsi pendant 20 ans, avec sa collaboratrice Sylvia Belhassan, un rempart contre les institutions et un formidable tremplin, y compris international, d’une modernité artistique maghrébine en mal de visibilité. Cette rencontre de l’architecte avec le groupe de Casablanca donne ainsi à ces pratiques transdisciplinaires déjà amorcées à l’école de Casablanca un souffle nouveau, en s’appuyant notamment sur le soutien financier de l’état5. Ces séries de commandes artistiques réalisées entre 1967 et 1982 dans une vingtaine d’infrastructures publiques financées par l’état, correspondent en effet à deux orientations politiques récentes : le déploiement d’un réseau touristique national important dans des zones rurales à potentiel économique et la création de nouvelles administrations civiles telles que des banques, des préfectures, des postes ou des universités. Cependant, un interventionnisme en faveur d’une politique culturelle et d’un soutien à la création artistique est minoritaire à cette époque, d’autant plus que la politique sécuritaire et répressive contre les mouvements d’opposition dont la scène culturelle fait partie prend une nouvelle ampleur après les deux coups d’états de 1971 et 1972, qui se caractérise par l’arrestation des principaux animateurs et fondateurs de la revue Souffles, notamment Abdellatif Laabi, Abraham Serfaty et Mohamed Chabâa.

Cat.expo, Mohamed Melehi. Recent Paintings, The Bronx Museum of Arts, New York 1984, p. 21 © Toni Maraini Collection.

 

2. Présence Plastique vs Integrations

Cat.expo, Mohamed Melehi. Recent Paintings, The Bronx Museum of Arts, New York 1984, p. 18, © Toni Maraini Collection.

Ces pratiques transdisciplinaires à vocation d’inscription dans l’espace public, fusse-t-il le lieu symbolique de l’espace éditorial dont les artistes sont partie prenante ou le territoire physique de la rue, donnent lieu à partir de 1969 à deux orientations dont rendent compte le cycle d’expositions Présence Plastique et les interventions artistiques dans l’architecture du projet des Intégrations.

La série d’expositions Présence Plastique est organisée sur la place Jema el-Fna à Marrakech et du 16 Novembre à Casablanca en 1969, suivi en 1971 de deux expositions dans la même ville dans les lycées publiques Fatem-Zahra et Mohamed V en 1971. Ces actions s’inscrivent dans une volonté d’inventer de nouveaux modèles d’expositions par opposition aux salons et foires officiels. L’espace public devient ainsi une modalité d’existence permettant l’expression d’une nouvelle tendance esthétique. Cette série d’expositions repose sur la création d’un momentum: l’œuvre existe dans le moment de l’action et par la rencontre avec le public. Le caractère plastique des œuvres est ainsi associé à une fonction revendicative : « Nous avons voulu aussi réveiller l’intérêt de cet homme, sa curiosité, son esprit critique, le stimuler, faire de manière à ce qu’il intègre de nouvelles expressions plastiques dans son rythme de vie, dans son espace quotidien6. » Ce cycle d’expositions associe à l’œuvre une dimension projective : reprenant le principe de la publicité, on mise sur une communication à distance avec le spectateur.

Les discours et écrits sur ces expositions, publiés notamment dans les revues culturelles Souffles et Integral, convoquent un ensemble de stratégies perceptives mettant en évidence des partis pris différents voire opposés. Présence Plastique s’appuie sur une appréciation des œuvres par le public qui repose sur la mise en scène des tableaux séparés du public par des barrières de sécurité créant deux espaces symboliques : le monde de la fiction et le monde réel des spectateurs, révélant ainsi le caractère théâtral de l’exposition, s’ancrant dans la réalité et la temporalité de la place et des spectacles de halqa7. A contrario, les Intégrations rend compte d’un rapport avec l’objet dont l’essence ne réside pas dans la reconnaissance du public tenu d’en révéler son caractère fictionnel et d’y apprécier ainsi une valeur artistique mais au contraire dans sa capacité à nier l’existence du spectateur. L’objet est davantage jugé sur sa capacité à prendre en compte les caractéristiques d’un espace, d’en épouser les contraintes physiques ou de respecter un cahier des charges défini par les architectes.

Cependant, les débats autour de la réception des œuvres convoquent également des stratégies mises en place pour composer un nouveau public postindépendance, écarté auparavant des activités culturelles. Cette préoccupation rassemble l’ensemble de la communauté artistique. A cet égard, la figure de l’analphabète abondamment citée dans la littérature moderne mais également dans les écrits et les discours sur l’art devient l’incarnation d’un public nouveau, dont les connaissances reposent sur une tradition iconographique rendue visible dans les pratiques culturelles rurales : la poésie orale, les chants et les danses, l’art populaire. Dans l’œuvre d’Ahmed Bouanani8, l’analphabète n’est pas celui qui n’a pas accès à l’éducation, mais qui est détaché au contraire des connaissances traditionnelles et locales qui lui ont été confisquées, malgré et par l’éducation, notamment durant la période coloniale. Ces interventions dans l’espace public utilisent des stratégies perceptives similaires en ce sens où un jeu de mémoire visuel est mise en œuvre avec le spectateur entre le signe et le sens de l’image. On attend du spectateur une reconnaissance formelle des signes inscrits dans une imagerie populaire qui composent les œuvres afin d’en reconstituer le sens. C’est notamment le cas dans la peinture de Farid Belkahia par exemple qui reprend à la fois des techniques s’inspirant de l’art populaire comme le travail du cuir ou de l’acier mais également une iconographie inspirée des tatouages berbères9. Le potentiel imaginaire de l’art populaire et la part de reconstitution que cela implique contribuent à l’écriture de récits alternatifs sur l’art et ses pratiques. Cette zone d’ombre rend compte d’une création moderne qui s’opère à partir des blancs de l’histoire qui peuvent être partiellement reconstitués par l’aide du public qui partage et pratique le même vocabulaire. Les Intégrations comme Présence Plastique rendent ainsi compte de cet enjeu capital qu’est la constitution d’un nouveau public.

Plafond peint d’une mosquée du Souss illustrant l’article « Notes sur les peintures et les mosquées du Souss » par Mohamed Melehi, dans: Maghreb Art, No. 3, publié par l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, 1969, p. 9.

Plafonnier en bois de Mohamed Chabâa (plafond) et tapisserie de Claudio Bravo (au fond, à gauche), Hotel de Taliouine, 1971-72, Architectes: Faraoui et de Mazières, © Cabinet Faraoui et de Mazières.

3. Délit d’Authenticité

Panneau en céramique, Carla Accardi, Hôtel Tarik, Tanger, c. 1975, Architectes: Faraoui et de Mazières, © Cabinet Faraoui et de Mazières.
 

Par leur caractère transdisciplinaire et les différentes stratégies perceptives qu’elles mettent en œuvre, les interventions d’artistes dans l’espace public cristallisent l’apparition de nouvelles pratiques qui ne sont satisfont plus des catégories esthétiques du Protectorat ainsi que des typologies muséales en demandent d’une authenticité basée sur une soi-disant origine ethnique et territoriale. Les Intégrations témoigne ainsi d’un éclatement des disciplines et des catégories et d’un ensemble de préoccupations communes à la fois esthétique et politique. Parmi ces préoccupations, la nécessité de trouver une langue esthétique commune qui ne serait ni l’expression d’une culture nationale restrictive, ni la démonstration d’une injonction occidentale. Cette volonté d’éclatement des pratiques se retrouve également dans les choix promus par les artistes du groupe de Casablanca. Mohamed Melehi et Mohamed Chabâa notamment symbolisent cette volonté d’ouverture par leur pratique des arts graphiques et du design10.

Miroir peint par Ait Amza, Hôtel Les Gorges du Dades, Boumalne, 1970–71, Architectes: Faraoui et de Mazières, © Cabinet Faraoui et de Mazières.

Parmi ces réalisations architecturales, deux hôtels de la région du Souss au Sud du Maroc, dans la vallée du Dadès, Les Gorges du Dadès et les Roses du Dadès, sont à distinguer. En 1970, lors de la construction de ces hôtels, la région du Souss est l’objet d’un intérêt grandissant des artistes et des intellectuels. Cet intérêt se matérialise par la volonté de partir à la rencontre de savoir-faire issus de géographies dévaluées ou marginalisées durant le Protectorat, et majoritairement absents des musées d’anthropologies. Cette culture matérielle, dont on revendique une origine éclatée entre influence préislamique, subsaharienne et méditerranéenne, soutient le discours sur les origines qu’il faut chercher en dehors d’un héritage classique. Cet intérêt est matérialisé à partir de 1966 par des excursions dirigées par Bert Flint auxquelles participent activement Toni Maraini et Mohamed Melehi dont la finalité réside dans la découverte d’une culture non documentée et en voie disparation. Le groupe se trouve ainsi confronté à l’urgence de documenter cette culture mais également à la possibilité d’inventer de nouvelles typologies et de mobiliser un champ des connaissances renseignant des objets qui ne sont pas encore figés dans des styles opératoires ni un système cognitif dominant. La région du Souss incarne ainsi un catalyseur de pratiques culturelles qui font office d’actes de résistance durant la période postindépendance, rendant impossible la distanciation du geste artistique et du geste politique.

Mohamed Melehi et Mohamed Chabâa réalisent des panneaux muraux en bois et en céramique pour les salles du restaurant et de réception de l’hôtel Les Roses du Dadès. Un des travaux les plus emblématiques de cette série est le plafond mural de Melehi dans un des salons de l’hôtel. Le large plafond est composé de panneaux en bois qui joue sur une variation de motifs ondulées et colorés. Le jeu combinatoire des motifs crée une surface picturale à la composition rigoureuse rappelant la rencontre américaine de Melehi à l’abstraction géométrique. Cette composition est pensée dans une alternance de deux panneaux à dominante rouge ou bleu qui sont reproduits en série, convoquant l’objectivité de la peinture américaine des années 60. Cependant, les ondes colorées caractéristiques de l’œuvre de Melehi sont également abordées dans les écrits de l’époque par un prisme autobiographique, s’appuyant sur la situation de sa ville natale Asilah, bordée par l’Océan atlantique, et historique, se rapprochant de certains symboles préhistoriques sahariens ainsi que de l’art populaire vernaculaire11.

Le plafond peint de Melehi s’appuie en effet sur la traduction d’un corpus iconographique d’un contexte liturgique à un contexte strictement décoratif et économique. La source de cet objet provient de la découverte d’un ensemble composé de plafonds traditionnels découverts par Bert Flint dans les mosquées rurales de la région du Souss en 1965 et publié en 1969 dans le troisième numéro de la revue Maghreb Art12. Melehi renforce l’idée d’une ressemblance formelle entre l’iconographie des plafonds peints du Souss et son propre univers graphique en s’appuyant sur l’expérience tridimensionnelle du spectateur. En effet, l’artiste s’appuie sur un transfert des usages entre l’expérience spirituelle et l’expérience artistique et provoque une généalogie se basant sur la répétition d’un même geste : lever la tête pour accéder à la surface peinte. Il est ainsi intéressant de noter que les pratiques modernes mises en œuvre dans l’espace public s’opposent à l’idée de rupture inhérente à la modernité en se basant au contraire sur une tradition visuelle et sur une communauté d’expériences et potentiellement de spectateurs. Le plafond peint de Melehi cristallise l’enjeu de la réappropriation d’une certaine forme de culture matérielle aboutissant à une critique des phénomènes de patrimonialisation. La collaboration entre les architectes et les artistes rend visible des liens plus tangibles sur la fonction de l’art en tant qu’objet social et renforce la nécessité de se saisir des pratiques muséographiques en participant à l’invention de nouvelles formes muséales basées sur l’expérimentation formelle et l’expérience du spectateur.

Mohamed Chabâa crée pour les hôtels Les Roses du Dadès et Les Gorges du Dadès une série de plafonniers ainsi que les enseignes des établissements. Les appliques au plafond témoignent d’un intérêt pour les tendances constructivistes et cinétiques, deux mouvements régulièrement cités par les artistes notamment dans la revue Souffles13. Ce jeu de lignes géométriques rappelle également les expérimentations de l’atelier d’arts graphiques qu’il dirige à l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, notamment autour de la typographie Koufi dont il propose une nouvelle approche stylistique. Ce renouveau de la typographie caractérise également le travail graphique réalisé pour les enseignes des hôtels qui reprennent un style calligraphique koufique. Le travail typographique de Chabâa rejoint les revendications des artistes de la hurufiyyâ (lettrisme), ce mouvement d’artistes se basent sur une pratique de l’abstraction s’ancrant dans un héritage islamique mais regroupe en réalité des pratiques extrêmement diversifiées utilisant l’alphabet arabe comme une des composantes d’un nouveau langage complexe et métissé.

Planche contact, Hôtel Les Almoravides, Marrakech, 1970–72, portes en cuivre : Farid Belkahia, panneau mural en céramique : Mohamed Melehi, enseigne : Mohamed Chabâa, motif sur les placards des chambres : Cecile Boccara, Architectes: Faraoui et de Mazières, © Cabinet Faraoui et de Mazières.

Enseigne en bois réalisé par Mohamed Chabâa, Hôtel Les Gorges du Dades, Boumalne, 1970–71, Architectes: Faraoui et de Mazières, © Cabinet Faraoui et de Mazières.

Note d’intention: 15 années de collaboration architectes – peintres, © Cabinet Faraoui et De Mazières.

Conclusion

En s’éloignant des espaces attendues de monstration et au contraire en en révélant de nouvelles potentialités, les Intégrations crée des espaces alternatifs permettant d’attribuer de nouvelles affectations de valeur aux objets d’arts et peut-être également de participer à une conception plus juste des pratiques muséales en tant que vecteur et acteur du patrimoine culturel. L’éclatement des barrières entre haute et basse culture donne également naissance à une typologie d’objets s’emparant des pratiques du design, du graphisme, de l’architecture et de l’art populaire en tentant d’en requalifier leur appartenance à la modernité. Par comparaison avec des phénomènes internationaux marqueur d’un projet de modernité où l’assimilation de pratiques artisanales à des pratiques artistiques est au service de l’innovation et de la rationalisation, les Intégrations permettent au contraire de penser une autre forme de culture matérielle œuvrant non pas à une innovation liée au progrès économique et marchand mais davantage à une forme de modernisme vernaculaire. Selon Peter Limbrick14, cette forme de modernisme vernaculaire caractérise la période artistique moderne au Maroc, et permet la réévaluation d’un conflit entre le savoir local et la modernité, en rendant compte au contraire de l’incorporation de pratiques vernaculaires diversifiées dans le champ de la modernité en négociation entre le cosmopolitisme et le nationalisme.

Le projet des Intégrations donne ainsi corps à un mouvement de contre-culture au Maroc où l’inscription des pratiques artistiques au sein de l’espace public poursuit deux stratégies concomitantes : sur le plan artistique, il s’agit d’accompagner la création d’une nouvelle typologie de spectateurs auparavant invisibilisés ; sur le plan social, la création de ces nouvelles sociabilités affirment l’art en tant qu’un agent de la transformation sociale. Les stratégies d’intégrations du temps de l’art au temps de la vie dans les années 60 sont également propices à un travail de généalogies avec des pratiques plus récentes, notamment la création de fresques murales dans l’espace public à l’instar du Moussem d’Asilah créé en 1978 ou des interventions de l’hôpital psychiatrique de Berrechid en 1981.

●Footnotes
  • 1 Au sujet de la participation des artistes au Maroc à des réseaux internationaux, voire l’article de Marion von Osten, Don’t Breathe Normal : Read Souffles ! – on decolonizing culture, journal en ligne bauhaus imaginista, URL : http://www.bauhaus-imaginista.org/articles/1572/don-t-breathe-normal-read-souffles.
  • 2 Voir le texte de Toni Maraini, « Mémoires métissées. Le paradigme antique », Insaniyat  (En ligne), 32–33, 2006, mis en ligne le 06 août 2012, URL : http://journals.openedition.org/insaniyat/3303.
  • 3 « Une polémique naitra à la fin des années 60, autour de la manipulation des concepts de « naiveté » et de « spontanéité » alors investis d’une aura romantique et projetés sur des auteurs très différents en genre, qualité et personnalité. » Toni Maraini, « Au rendez-vous de l’histoire: la peinture », dans: Ecrits sur l’art, Editions Le Fennec, 2014, p. 84.
  • 4 Abdelkebir Khatibi, « L’art contemporain arabe », dans Essais, Editions de la Différence, Paris 2008, p. 272, t. 3.
  • 5 Il convient cependant de rappeler que l’intervention des artistes est souvent déguisée dans les cahiers des charges, au profit d’autres appellations moins problématiques, comme l’indique la note d’intention rédigé par le cabinet Faraoui et de Mazières « toutes les réalisations en commun se feront souvent à l’insu des maitres d’ouvrage ».
  • 6 « Action Plastique. Exposition Jamâa lfna Marrakech », dans: Souffles, No. 13–14, 1969, pp. 45–46.
  • 7 Halqa est le cercle des spectateurs formé autour des artistes sur une place publique, qui désigne par extension les spectacles dans l’espace public.
  • 8 Ahmed Bouanani, » Introduction à la poésie populaire marocaine «, dans: Souffles, No. 3, 1966, p. 9.
  • 9 « Nombreux motifs employés par Farid Belkahia s’inspirent du patrimoine des tatouages et des signes/symboles qui ornent des objets d’art traditionnel populaire, et cela parce que, pré-calligraphiques, ces éléments renvoient à toute une problématique du signe – et du plaisir du signe –  que l’art moderne a laissé venir vers nous du fond de la conscience collective. » Toni Maraini, « Farid Belkahia » L’important c’est d’être bien dans sa peau  « , dans: Ecrits sur l’art, Editions Le Fennec, 2014, p. 84.
  • 10 Mohamed Melehi œuvre à définir un langage graphique commun à destination des interventions dans l’espace public, notamment la ligne éditoriale de la revue Souffles ou le poster de la première exposition indépendante du groupe de Casablanca organisé à Rabat par Toni Maraini au Théatre National Mohamed V en 1966 avec Belkahia, Chabâa et lui-même. Mohamed Chabâa évolue également dans un environnement artistique transdisciplinaire en multipliant les collaborations dans le domaine du design et de l’architecture.
  • 11 Toni Maraini, « A study on the work of Mohamed Melehi », dans: Mohamed Melehi, Melehi. Recent Paintings, Exhibition catalogue, The Bronx Museum of the Arts, New York 1984.
  • 12 L’allusion à ce corpus apparaît pour la première fois en 1965 dans le texte de Bert Flint, « Caractéristiques des arts populaires », dans : Maghreb Art No. 2, édité par l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, 1966, p. 20 : « La peinture de ces plafonds doit d'ores et déjà être considérée comme du plus grand intérêt pour l'histoire de l'art du Maroc et peut-être de l'histoire de l'art tout court. » L’ensemble est révélé trois ans plus tard dans le dernier numéro de la revue Maghreb Art dans un article de Mohamed Melehi, cf. « Notes sur les peintures des mosquées et zaouias du Souss », dans: Maghreb Art, No. 3, 1969, p. 7.
  • 13 Voir le questionnaire réalisé auprès de plusieurs artistes et publié dans la revue Souffles No. 7–8, situation Arts Plastiques au Maroc, 1967, publié sur le journal en ligne bauhaus imaginista, URL : http://www.bauhaus-imaginista.org/editions/3/learning-from.
  • 14 Peter Limbrick, « Vernacular Modernism, Film Culture, and Moroccan short Film and Documentary », pp. 388–413. dans: The Journal of Cinema and Media, No. 56, 2015.
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Diagonal. Pointé. Carré — Goodbye Bauhaus? Otti Berger’s Designs for Wohnbedarf AG Zurich

Gunta Stölzl. Anni Albers. These are the most prominent names today when one thinks of actors in the Bauhaus textile workshop. Both had been involved in the textile workshop since Weimar times, shaping it through their understanding of textiles and their teaching. Otti Berger did not join the workshop until Dessau. Stölzl and Albers succeeded in leaving Germany in 1931–32. And they succeeded in continuing to work as textile designers and artists. Berger succeeded in doing this, too, but accompanied by an ongoing struggle for recognition and fair remuneration. → more

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The World in the Province from the Province to the World — Bauhaus Ceramics in an International Context

In this article Hans-Peter Jakobson presents the various influences, both national and international, and direct and indirect, influencing the views on ceramics taught in the Ceramic Workshop of the State Bauhaus Weimar Dornburg. Based on the life paths, inspirations and influences of the few ceramists who emerged from the Bauhaus workshop in Dornburg, he traces possible worldwide developments in ceramics to the present day. → more

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Reading Sibyl Moholy-Nagy, Native Genius in Anonymous Architecture in North America, 1957

In the 1960s, the interest in a regional and vernacular architecture evolved into a sort of counterculture against the prevailing modernism in the USA. Sybil Moholy-Nagy’s book is an early document of this movement and today a classic of architecture history. It features buildings and construction techniques that emerge from social practices and whose builders remain anonymous. They include Amerindian settlement forms, Mexican pueblos and churches, as well as barns and houses of the first European settlers. → more

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Vernacular Architecture and the Uses of the Past

In sending out the manuscript of Native Genius in Anonymous Architecture to a publisher, Sibyl Moholy-Nagy added a note on the “Genesis of the manuscript,” which is quite revealing about the intellectual trajectory that gave rise to it. She positioned herself as first and foremost a traveling observer, learning from direct contact with artefacts and buildings, curious about their histories and willing to interpret material evidence and local narratives. → more

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The “Workshop for Popular Graphic Art” in Mexico — Bauhaus Travels to America

The global developments that led in 1942 to the appointment of Hannes Meyer, second Bauhaus director, as head of the workshop for popular graphic art, Taller de Gráfica Popular (henceforth referred to as the TGP), made it a focal point for migrating Europeans in flight from fascism. This essay aims to shed light on how the TGP was influenced by Europeans granted asylum by Mexico before and during World War Two, and, conversely, to explore the degree to which these exiled visual artists, writers, and architects’ ideas came to be influenced by their contact with artists active in the TGP. → more

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Lena Bergner — From the Bauhaus to Mexico

The story of Lena Bergner is relevant to the history of architecture and design on account of her career passing through different ideological and cultural contexts. Here we will discuss her life and work, focusing on her training in the Bauhaus, her time in the USSR and her time in Mexico, where, along with her husband the architect Hannes Meyer, over a ten-year period she undertook cultural projects of great importance. → more

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Of Art and Politics — Hannes Meyer and the Workshop of Popular Graphics

The Mexico of President Lázaro Cárdenas del Río was a fertile ground for the development of ideological questions, especially those originating from the left. The expropriation of oil fields, mining and large estates in 1938, the refuge granted Spanish republicans and members of the International Brigades in 1939, and the accord of mutual support between the government and syndicalist organizations all favored the formation of artistic and cultural groups willing to take part in the consolidation of revolutionary ideals which, until that point, had made little progress. Among these organizations was the Taller de Gráfica Popular, the Workshop of Popular Graphics. → more

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bauhaus imaginista — and the importance of transculturality

What bauhaus imaginista has documented thus relates to a particular historical phase, one that opened a path to the renewal of the art situation in Morocco. And yet, although more recent generations of Moroccan art historians and critics often mentioned the period as a formative and unavoidable reference point, they never really deepened study of that period. It somehow remained in the shadows of other phases and realities. But cultural memory has its rhythms, and the moment arose when the years of the Casablanca Group called for attention, demanding its artistic accomplishments be better understood. In this regard, the bauhaus imaginista project came at the right moment and has had important repercussions. → more

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Memories

I was sixteen years old when I undertook my first journey into finding a professional vocation, first in Asilah, then in Fez followed by Tétouan. 1952. Tangiers was, to me, an open book, a window on the world. The freedom of seeing, of discovering and of feeling, of weaving the narratives of my dreams. → more

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The Bauhaus and Morocco

In the years when Western nations were committed in new projects of partnership, with what was then called the “Third World”, young artists and students from the Maghreb had grown up in the passionate climate of the struggle for independence, were talented, open to modernity, and eager to connect with twentieth-century international art movements, which were different in production and spirit from colonial ideology and culture. → more

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École des Beaux-Arts de Casablanca (1964–1970) — Fonctions de l’Image et Facteurs Temporels

Utopie culturelle vécue, posture éthique et préfiguration de la modernité artistique et culturelle marocaine, l’École des Beaux-arts de Casablanca est, de 1964 à 1970, le lieu de cristallisations d’aspirations sociales et artistiques portées par un groupe d’artistes et enseignants responsables d’une restructuration des bases pédagogiques. → more

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Chabâa’s Concept of the “3 As”

“Architecture is one expression of the fine arts” (Mohamed Chabâa, in: Alam Attarbia, No. 1, p. 36, 2001.)

Mohamed Chabâa’s consciousness of his national heritage and his interest in architecture both emerged at a young age. His concept of the “3 A’s”—art, architecture and the arts and crafts—grew out of his discovery both of the Italian Renaissance and the Bauhaus School during a period of study in Rome in the early 1960s. From then on, bringing together the “3 A’s” would become a central interest, a concept Chabâa would apply in various ways and fiercely defend throughout his long and varied career. → more

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Don’t Breathe Normal: Read Souffles! — On Decolonizing Culture

The need for a synthesis of the arts and, with this, a change of pedagogical principles, was not only present at the beginning of the twentieth century (forces that prompted the Bauhaus’s foundation), but after WWII as well, during the “Short Century” of decolonization. This second modern movement and its relation to modernism and the vernacular, the hand made, and the everyday was vividly expressed through texts and art works published in the Moroccan quarterly magazine Souffles, published beginning in the mid-1960s by a group of writers and artists in Rabat, Casablanca and Paris. → more

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A Bauhaus Domesticated in São Paulo

In March 1950, Pietro Maria Bardi, director of the São Paulo Art Museum (MASP, which opened in 1947), wrote to several American educational institutions requesting their curricula as an aid to developing the first design course in Brazil—the Institute of Contemporary Art (IAC), which was to be run as a part of the museum and would also be the country’s first design school. Despite being brief and objective, his missives did not fail to mention the “spirit of the Bauhaus,” explicitly linking the institute he hoped to found with a pedagogical lineage whose objectives and approach he aimed to share. → more

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In the Footsteps of the Bauhaus — Its Reception and Impact on Brazilian Modernity

Through the strong German-speaking minority and its active work in the creation and mediation of culture in the spirit of modernity, the application of Bauhaus formal language, especially in the first phase of Brazilian modernity, has played a considerable role. It was only with the equation of German culture with National Socialism and the ensuing intolerance of German protagonists that these architectural and cultural activities were severely disrupted. In Brazil during this period, a style of modernism based on the principles of Le Corbusier finally gained acceptance. The impulses of the Bauhaus, however, which were not perceived for many years, were also reinterpreted and further developed within Brazil, although they remained occulted in comparison to the public reception of Corbusier. → more

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Ivan Serpa, Lygia Clark, and the Bauhaus in Brazil

The art school of the Museu de Arte Moderna do Rio de Janeiro was established in 1952, led by Ivan Serpa, who gave classes for both children and adults—including artists who would go on to form the Grupo Frente (1954–56) and later the neo-concrete movement (1959–61). Writer and critic Mário Pedrosa described the “experimental” character of these classes, but the fact this experimentation was structured through study of color, materials, technique and composition has encouraged art historian Adele Nelson to claim Serpa’s teaching method was substantially based on the Bauhaus preliminary course. → more

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Walking on a Möbius Strip — The Inside/Outside of Art in Brazil

This text investigates how the topological figure of the Möbius strip, famously propagated by Bauhaus proponent Max Bill, was used in Brazil within dissident artistic practices of the 1960s and 1970s as a tool for reflection on the subject, alterity and public space. The Möbius strip is revisited in this essay as a conduit for thinking critically about possible subversions of Eurocentric forms, as well as various appropriations of traditional popular culture by modern and contemporary art in Brazil. → more

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The Poetry of Design — A search for multidimensional languages between Brazilian and German modernists

In the 1950s and 1960s, intense debates and exchanges took place between Brazilians and Germans working in the fields of design, art, and their various manifestations—from architecture and painting to music and poetry. These intertwined lines are identifiable in myriad events: journeys, meetings, exchanges of letters, exhibitions, lectures, courses, and publications. Common modes of production emerged out of these different encounters where, more than relations of influence, one can observe how entangled realities led to a questioning of the directionality of the flow between center and periphery. → more

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The Latent Forces of Popular Culture — Lina Bo Bardi’s Museum of Popular Art and the School of Industrial Design and Crafts in Bahia, Brazil

This text deals with the experience of the Museum of Popular Art (MAP) and the School of Industrial Design and Handicraft, designed by the Italian-Brazilian architect Lina Bo Bardi, in Salvador (capital of the state of Bahia), Brazil. Such a “school-museum” is based on the capture and transformation of latent forces that exist in Brazilian popular culture. → more

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Teko Porã — On Art and Life

Cristine Takuá is an Indigenous philosopher, educator, and artisan who lives in the village of Rio Silveira, state of São Paulo, Brazil. She was invited to present a contemporary perspective on questions and tensions raised by interactions between the Indigenous communities and the mainstream art system, as well as to address Brazil’s specific social and political context. → more

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Times of Rudeness — Design at an Impasse

In 1980, Lina Bo Bardi began working on a book concerning her time in the northeastern part of Brazil. With the help of Isa Grinspum Ferraz, she captioned the illustrations, revised her contributions to the book and drafted the layout and contents. The latter also included texts by her collaborators who, in a truly collective effort, had tried to envision the project of a true Brazil—an unfettered and free country with no remnant remaining of the colonial inferiority complex which had plagued the country earlier in its history. Bo Bardi discontinued her work in 1981. In 1994, the Instituto Lina Bo e P.M. Bardi published this project as Times of Rudeness: Design at an Impasse. → more

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Connecting the Dots — Sharing the Space between Indigenous and Modernist Visual Spatial Languages

Ever increasing numbers of design institutes note the merits of cultural diversity within their pedagogy and practice. Rather quixotically, however, Eurocentric modernist ideals remain dominant within design curricula. This ambiguity results in non-Western social, cultural and creative practice, remaining side-lined, albeit while still being lauded as of great value. Critical of this duplicity, this paper introduces three Indigenous visual spatial languages, identifying a number of correlations and contradictions these offer to the establishment and implementation of Bauhaus pedagogy and subsequent examples of modernism adopted beyond Europe. → more

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